NOIR / NOIR


Une séries de 22 portraits noir sur noir.
Tirages argentique sur toile de Lin, montés sur châssis. (50 x 50 cm, 90 x 90 cm).
Dans un premier temps, l’oeil ne perçoit qu’une surface à la fois pleine et vide, uniforme, comme lorsqu’il passe de la lumière à la nuit. Peu à peu, l’oeil s’adapte et distingue un à un des signes distinctifs d’un visage jusqu’à le saisir dans sa totalité.


                   


       

  En entrant dans l'installation de Zabo Chabiland, “noir /noir”, le spectateur est confronté à une série de carrés, de toiles noires, dont la profondeur et la solidité leur confèrent le statut d'objets ou d'éléments architecturaux. L'ambiance est sombre et ordonnée, avec des associations minimales et classiques, tandis que les toiles elles-mêmes font allusion à des représentations d'un espace infini ou d'un vide stérile.
C'est avec ces idées à l'esprit que le spectateur commence à détecter des perturbations de la lumière à travers les surfaces noires, qui, en y regardant de plus près, révèlent les traces les plus ténues d'un visage humain. Chaque image/objet - dont le statut est désormais ambigu - "contient" un visage : désincarné, les yeux fermés, planant quelque part derrière le plan de l'image. Les visages, bien qu'à peine visibles, s'inscrivent comme des images photographiques qui, associées à une tridimensionnalité globale, confèrent aux œuvres une présence humaine déconcertante. Mais, comme les masques mortuaires, les visages ne trahissent aucune indication d'une vie. Il nous reste à les considérer comme des reliques dont les histoires physionomiques pourraient être lues davantage par des anthropologues, ou comme des signes abstraits d'une condition humaine précaire. Les œuvres simples et éloquentes de Chabiland ont une grâce spectrale qui semble en contradiction avec une époque où la douleur, le traumatisme et les révélations viscérales de la mort sont inscrits dans notre conscience collective - une époque où la mort, à la fois privée et publique, est considérée comme un terrain propice pour les publicitaires. Il s'agit d'œuvres révérencieuses et troublantes, d'espaces sombres où les emblèmes de l'esprit humain sommeillent, juste hors de portée.

David Chandler,
Responsable des expositions, The Photographer's Gallery, Londres.
Catalogue de l'exposition "Presence". 1993










Ici : rendus simulant l’étape intermédiaire de la vision de deux de ces portraits photographiques qui ne peuvent être restitués par la photographie.